Jérôme Delépine et Pierre Amourette
À dessein ou d’instinct, certains créateurs par leur art tuent dans leurs représentations ordinaires l’Homme et son écosystème, sans haine, souvent et comme par surprise, une surprise libératrice qui est le prix nécessaire pour que l’œuvre puisse advenir et être lieu de pensée. Ces artistes proposent moins un récit que des perspectives et en bons jardiniers qu’ils sont, c’est un champ hypothétique qu’ils cultivent. Ainsi développent-ils des possibilités, déploient-ils des puissances afin de reconquérir la souplesse conceptuelle nécessaire à leur tâche. Ainsi retrouvent-ils une conscience immatérielle par le truchement de la matière qu’ils traitent. Alors, sans identification, sont-ils au plus près de l’être, se sentant reconnaissants pour ces moments rares d’existence et pourtant quotidiens pour eux, comprenant que les choses qu’ils touchent sont toujours plus vastes qu’elles ne paraissent.
Du moins, est-ce le cas du travail des deux artistes de cette exposition, Jérôme Delépine et Pierre Amourette, mais dans deux directions diamétralement opposées. Pour eux deux, le métier est très concret, très “artisan“, un travail humble et délicat, sans façon : ils semblent créer principalement afin de produire les conditions favorables à ce que ce qui les travaille opère, et sans doute à leur insu, comme le ferait un travail de deuil ou le travail du rêve. Comme si un état devait être atteint : là, semble être leur ravissement, leur mystique, leur secret.
Mais comment se concrétise ce secret ? Je le perçois comme un silence : le silence dans le chant, le blanc dans une phrase, le moment où la respiration s’apaise et se suspend, ce riche silence qui n’est ni refus ni vague rêverie. Pierre Amourette, dans ses sculptures, va dans le trop, le encore plus afin peut-être d’éteindre l’incendie, alors que Jérôme Delépine tend lui à l’effacement, au flou, à la dissipation, à l’évanescent. Mais toujours le rythme est là, cet « arrangement caractéristique des parties dans un tout », ainsi que ce mot résonnait aux oreilles des Grecs de l’Antiquité. Et, à ce moment-là, les couleurs, les formes, les matières sont à même de ne plus être que des directions, laissant place à des espaces, des temps nourris qui seront ces silences : laisser place au silence.
Jérôme Delépine et Pierre Amourette nous montrent ainsi deux chemins opposés, deux voies que tout semble opposer et qui, dans cette confrontation, créent un curieux tout : une joie profonde et méditative.
Étienne Yver
Artistes :
Anne Bothuon
Sylvie Mazereau
Florence Vasseur
L’ENFANCE DE L’ART
Exposition été 2024. Point Rouge Gallery
« Poétiquement toujours, sur terre habite l’homme. » Friedrich Hölderlin
Jean Cocteau aimait dire qu’il y avait les poètes et qu’il y avait les grandes
personnes. Si la “grande personne” est installée dans un savoir qu’elle s’est constitué ou qu’on lui a légué, l’enfant, au contraire, vit de plain-pied avec les choses et les êtres : il découvre le monde en l’inventant et le crée avec appétit en le démasquant.
Pour l’artiste, le temps de la découverte et le temps du jeu ne s’est pas arrêté, c’est cette part d’enfance que l’artiste a su garder intacte, mais surtout qu’il a su développer.
Il donne une forme à l’univers qu’il contemple, le fléchit en y plongeant vaillamment, le réfléchit dans le miroir de ses sensations selon une logique et une rigueur qui lui sont particulières et personnelles, si personnelles et particulières que cet objet façonné, cet artefact éclaire et nourrit celui qui veut bien l’appréhender et le dévorer.
Pour cette exposition « L’enfance de l’art », Point Rouge Gallery a proposé aux artistes de la galerie un retour conscient dans l’enfance qui fut la leur, berceau d’une vie dédiée à la création, récréation quotidienne et festive, toujours joyeuse, parfois tragique, à jamais perdue et pourtant quotidiennement réinventée.
Étienne Yver, 2024
Samedi 29 juin 2024 à 18h
Double vue
Nicolas Canu / Jean-Yves Gosti
Il est malaisé de tenter un rapprochement entre ces deux artistes d’une même génération (Nicolas Canu est peintre né en 1966 et Jean-Yves Gosti sculpteur en 1960). Cette nouvelle expérience est pourtant un riche face-à-face. Tenter une comparaison entre ces deux univers serait artificiel tant ils semblent se situer sur deux parallèles qui par définition ne se rejoignent qu’à l’infini. Mais peut-être est-ce justement là, en ce point immatériel et perdu qu’ils se confrontent et se retrouvent, dans cet inatteignable de l’art, cet incommensurable de la création : tous deux nous parlent de l’Homme, de sa familiarité et de son indéfinissable complexité.
Nicolas Canu, comme à son habitude, traite de scènes presque banales, sans emphase ni théâtralisation. La description minutieuse de cette quotidienneté tend à l’identification du spectateur à l’œuvre : ces éclats de vie arrachés à l’histoire de l’artiste se métamorphosent par le geste sûr et sans faille de l’artiste en une immersion émotionnelle en eau profonde. La virtuosité dans la représentation que Nicolas Canu déploie dans ses œuvres l’inscrit dans une longue histoire de l’art qui parle de l’Homme par le récit détaillé de faits qui semblent à première vue anodins. Mais en plongeant dans son monde si profus, c’est en fait le nôtre que nous visitons et que nous parvenons peut-être à mieux saisir.
Tout à l’inverse, par la lourdeur même du matériau et le traitement brut de la matière qu’il lui inflige, Jean-Yves Gosti fige des moments uniques que l’on sent éphémères tout en faisant triompher un sentiment d’éternité. L’esprit est alors pris au piège et l’émotion devient palpable, quasi matérielle. C’est comme si un cataclysme sans nom avait pétrifié l’action en train de se faire : de terribles forces telluriques auraient-elles surgi là sans avertir comme ce fut le cas à Pompéi ? Ou bien le regard de ces personnages aurait-il croisé les yeux glaçants de la terrible gorgone Méduse ? Nous ne le saurons bien sûr jamais, mais, confronté à ces visions stupéfiantes et puissantes, le spectateur se trouve à son tour frappé de stupeur et comme médusé quand la pseudo fluidité de sa vie est momentanément stoppée.
Étienne Yver, 2024
Samedi 27 avril 2024 à 18h
Mettre ici le titre de l'expo...
Le Peintre des Déserts
Samedi 02 décembre 2023 à 18h
ALLEGRO VIVACE
Julien ALLEGRE et Jean-Pierre RUEL
18 octobre/26 novembre 2023
L’art semble parfois la projection distancée, la cristallisation d’une musique : une musicalité inscrite dans la matière. Qu’on le veuille ou non, nous sommes, à des degrés divers, habités par la musique. On ne sait trop ni pourquoi ni comment, une mélodie vous trotte dans la tête. Et cet air-là vous accompagne alors un long bout de chemin. C’est le cas ici, confrontés que nous sommes aux œuvres de Julien ALLEGRE et de Jean-Pierre RUEL. Sans doute ne cherchent-ils pas consciemment à transposer dans leurs œuvres la musique qu’ils pratiquent l’un et l’autre en parallèle de leur activité de sculpteur et de peintre. Mais la musique est bien là, présente dans leurs deux univers si différents, mais ici très complémentaires.
Julien ALLEGRE sculpte. Mais autant que ses sculptures, c’est l’espace qui entoure ses œuvres qu’il modifie. Les feuilles de métal qui les constituent et la lumière qui s’y réfléchit ou s’y engloutit forment animaux, humains ou de très improbables métamorphoses. Mais n’est-ce pas là surtout, dans ce travail minutieux et prométhéen, une ode syncopée à la matière, une matière qui chante et griffe dans une succession d’accords au rythme précis ? Des riffs y sont joués ponctuellement sur les contretemps de ses formes souvent échevelées, faisant rebondir les notes de base de ses sculptures acides et dissonantes. On s’attend alors, à tout moment, que, dans un crescendo dysharmonique, cette musique silencieuse et curieusement si prenante ne réveille de l’intérieur ces créatures qui, alors, envahiraient l’espace.
Jean-Pierre RUEL peint. Dans ses fortes compositions, on peut deviner les amours du peintre (Velasquez, Manet, Watteau, Greco, peut-être), soit qu’il s’y réfère nommément ou les tienne dans une amicale distance. Campés fermement dans le sol, ses personnages – humains et quelques fois animaux– semblent souvent danser gauchement sur une musique lointaine qu’eux seuls sans doute arrivent à percevoir et que nous ne pouvons que deviner, une musique phrasée, même si des coups de pinceaux staccato rythment souvent l’ensemble à contretemps. Les formes très structurées de ces peintures ondulent par cela dans un riche vibrato. L’enfance ne semble jamais loin dans ce monde décalé, ces visions d’ateliers, scènes de genre, portraits en solo ou en groupe, reflétant des états mentaux plus que réels. Mais c’est la matière elle-même et ses riches accords, plus que par leurs sujets, qui donnent à ces toiles cette formidable présence, forte, mais sans agressivité pourtant.
Étienne Yver, 2023.
Samedi 21 octobre 2023 à 18h
Nature Morte
HUGUES ABSIL – LYDIE ARICKX – MURIEL BAILET – ANNE BOTHUON – NICOLAS CANU – NICOLAS CLUZEL
ROBERT COMBAS – SÉBASTIEN COURTOIS – JÉRÔME DELÉPINE – ELISA FACHE – STÉPHANE FROMM
SABRINA GRUSS – RICHARD LAILLIER – GÉRARD RANCINAN – EMMANUELLE RENARD – MANU RICH
JEAN-MARIE SALANIÉ – GHYSLAINE ET SYLVAIN STAELENS
Dans cette exposition « NATURE MORTE », les dix-neuf artistes présents nous livrent sans pudeur leurs jardins secrets, leurs mondes intérieurs.
Des techniques aussi variées que la peinture, la sculpture, la photographie, le dessin, les assemblages, le textile, les fleurs vivantes ou la céramique sont mises ici en regard.
Ce que nous appelons « Nature morte », d’autres langues emploient plutôt l’expression « Vie tranquille » (still life, en anglais, ou Stillleben, en allemand).
Les écritures métaphoriques de ces dix huit artistes n’ont en tous cas rien de tranquille : la vie y est débordante et riche. Ici s’affrontent ces « exercices plastiques », comme on a pu parler ailleurs et dans d’autres temps d’exercices spirituels ».
Ce sont là, pour ces artistes comme pour nous tous, des réflexions essentielles, c’est-à-dire relatives à l’essence même des êtres et des choses : la mort dans la vie, la vie au-delà ou en deçà de la mort, mais surtout le fugace, le transitoire, le fugitif, l’évanescent, et parfois aussi ces « presque rien » pourtant si révélateurs. Malgré les sujets souvent sombres des pièces présentées, on sent avant tout dans ces œuvres le jubilatoire, et, dans ces éclairs de lumière qui percent la matière ou l’enrobent, le plaisir de ces artistes à se confronter à un genre qui a traversé les siècles de l’Histoire de l’Art.
Sélectionnées par Jean-Michel Warin et Olivier Kleiser, ces œuvres qui flirtent avec le sublime, au sens de dignité et d’élévation, sont toutes des chemins de réflexion et d’élévation que ces artistes si différents nous offrent avec tant degénérosité.
Étienne Yver, 2023
Samedi 16 septembre 2023 à 18h
Samedi 08 juillet 2023 à 18h
Artistes :
Fernando Gracia De La Torre
Lise Gonthier
Serge Labégorre
Samedi 27 mai 2023 à 18h
Flo Arnold et Christophe Miralles sont deux artistes qui, alternant la Bourgogne et Casablanca, conjuguent vie et travail à deux. Moments de partage, de connivence, de convergence, jeux d’écoute sans doute, mais non de fusion. Flo Arnold sculpte et Christophe Miralles peint. Leurs mondes artistiques sont différents, mais convergent parfois.
D’autres, dans l’histoire, ont choisi de former ainsi des couples de travail. Parfois, leurs œuvres étaient proches : Auguste Rodin et Camille Claudel un temps, Sophie Taeuber-Arp et Hans Arp, Ray Eames et Charles Eames. Parfois plus distancées : on pense à Frida Kahlo et Diego Rivera, Natalia Gontscharowa et Michail Larionow, Niki de Saint-Phalle et Jean Tinguely, Marianne von Werefkin et Alexej von Jawlensky, Gabriele Münter et Wassily Kandinsky, Sonia Delaunay et Robert Delaunay, Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz. Ou même en fusion totale : Gilbert et Georges, Fischli et Weiss, Pierre et Gilles. Ils ont chacun à leur manière conjugué l’art et leur vie à deux, moyen peut-être d’inscrire dans l’espace public une relation privée et d’affirmer ostensiblement un duel cordial dans lequel les rôles parfois se transposent, permutent et se renversent. Mais avec Flo Arnold et Christophe Miralles, ce n’est pas le cas, chacun ayant en propre son domaine artistique, son média spécifique, son univers.
Flo Arnold sculpte l’espace à l’aide de tissus, de papiers et de lumière. Ses impalpables structures semblent flotter dans l’espace et jouent de l’immatériel. Nous sommes souvent dans l’ultra-sophistication d’assemblages singuliers, de formes flottantes, baroques et volatiles. L’impression relève alors de l’étrange, de la réminiscence, de l’évocation et du rêve.
Christophe Miralles peint des silhouettes d’humains, taches mouvantes, jamais fixes qui, tels des spectres, émergent de fonds souvent inconstants et ondoyants. « My Ghost can bear no more; but comes to Rage », écrivait Shakespeare. Ici pourtant, point de rage, mais une douceur étonnée, un optimisme raffiné et presque paisible, l’émergence à la vie dans un premier printemps.
Cette singulière exposition nous offre à découvrir une quotidienneté à deux construite à l’horizon de l’autre, créative, connexe et féconde, une vision proche, mais distincte, de deux mondes impalpables et fuyants.
Étienne Yver, 2023.
Samedi 08 avril 2023 à 18h
• Michel CHARPENTIER • Tony GUILLOIS • Katy SERRA
Une belle exposition est comme un bon champagne : c’est l’assemblage subtil des cépages
qui forment le jus idéal. Dans ce nouvel accrochage, une fois encore, c’est l’équilibre des
complémentarités et des oppositions qui permet une compréhension rehaussée des univers
de Michel Charpentier, Tony Guillois et Katy Serra. Une sensuelle incertitude semble chacun
les guider, mais ce sont le silence et le secret qui ici, si différemment pour chacun, règnent en
maîtres.
Michel Charpentier embrasse la matière, la prend, l’étreint et l’enlace. C’est un combat presque
mythologique, tel un Héraclès soulevant Antée de terre pour l’étouffer. Mais, de cette terre ou
du ciment grossier qu’il ennoblit et élève au rang d’un marbre sans pareil ni précédent, Michel
Charpentier crée la vie et non la mort. Naissent alors des corps sublimés et silencieux, des cris
muets et de callipyges Vénus. À les regarder, on sent qu’un drame s’est joué, mais sa trace est
comme effacée et ne reste que la frémissante beauté de la vie.
Chez Tony Guillois, c’est du chaos que naît l’ordre. Corps, crânes ou paysages germent d’une
foisonnante et voluptueuse matière. Un sourd érotisme baigne ces rigoureuses compositions, car
plus que le sujet lui-même, c’est la richesse des couches picturales, la délicatesse, le raffinement
et la sensibilité des accords de couleur qui suggèrent plus qu’ils ne disent. Une force tellurique
semble secouer la terre, comme à l’instant d’avant une probable explosion : la nature retient
son souffle, le mouvement est figé et tout se tait. Expectative, sans doute, espérance, peut-être,
désir, certainement. Mais de quoi?
Et c’est encore une tout autre histoire que nous conte Katy Serra. Ses intérieurs sont peuplés
d’absence et le vide se développe jusqu’au vertige. C’est la vie elle-même qui y semble nous
isoler de la vie. Ce sont là des natures mortes, dans l’acception anglaise des «still lives», ces vies
tranquilles, si tranquilles chez Katy Serra, trop tranquilles pour être sans inquiétude. On pense
aux Maîtres hollandais et de l’Europe du Nord ; mais ici la lumière est plus chaude, méridionale,
sans doute. Et c’est cette lumière qui devient plus forte que le temps, ce temps arrêté, bloqué,
abandonné, enrayé peut-être.
Voici le dialogue secret auquel le spectateur est invité au cœur de cette exposition, un conciliabule
insonore, un échange silencieux entre trois artistes si différents qu’ils ne peuvent que tendre
l’oreille, s’écouter et s’accorder.
Étienne Yver
Samedi 18 avril 2023 à 18h
40 Artistes de la galerie
Samedi 03 décembre 2022 à 18h
• Hugues ABSIL • Lydie ARICKX • Anne BOTHUON
• Nicolas CANU • Chloé COTTALORDA
• Sabrina GRUSS • Fred KLEINBERG • Denis LACAUX • SEREIRROF • Emmanuelle RENARD
• Jean-Marie SALANIE • Étienne YVER
« Beau […] comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ! » Voici la phrase initiale, originelle, première du Surréalisme. Elle fut pourtant écrite bien avant qu’en mars 1917 Apollinaire n’invente le mot même de “surréalisme” (dans une lettre à Paul Dermée), et plus d’un demi-siècle avant le « Premier manifeste du surréalisme » d’André Breton (1924). C’est Isidore Ducasse, dit Comte de Lautréamont, qui l’écrivit dans ses « Chants de Maldoror » parus en 1869.
Dans ces chants, ces mots voulaient concrétiser la beauté étrange d’un jeune homme de « seize ans et quatre mois » ! Mais elle eut une autre destinée qui le supplanta : comme frappé par un oracle magique, Breton en fit l’étendard de son mouvement dont il formalisa la philosophie et les cadres théoriques. Dès lors, des artistes comme Dali ou Man Ray produisirent des œuvres reprenant ce fameux triptyque parapluie/machine à coudre/table de dissection. Dans cette étrange et fortuite confrontation inaugurale, on retrouve en effet leur revendication d’une totale subjectivité de l’œuvre d’art, alliant hasard, force, sensation, provocation et transfigurations dans une sorte de révolte adolescente (on a même parlé de révolution surréaliste) où l’imaginaire devait se révéler plus fort que la vie quotidienne. Ce mouvement prôna dans la démarche artistique et littéraire un « automatisme psychique […] en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale », la primauté des rêves et de l’inconscient (en 1921, André Breton avait rendu visite à Sigmund Freud) et l’absence de tout contrôle exercé par la raison. Écrivains, poètes, cinéastes, photographes et peintres rejoignirent ce mouvement.
Mais le surréalisme existait bien avant qu’il ne fût ainsi baptisé par André Breton. On le retrouve chez Rabelais, Dürer et Jérôme Bosch, Goya et les dadaïstes du début du XXe siècle en passant par Piranese et tant d’autres. Si le mouvement n’existe plus en tant que tel, nombre d’artistes aujourd’hui, souvent sans le savoir ni s’en réclamer, continuent de révéler par leur art la mécanique de notre pensée, la délivrant des entraves de la logique raisonnable, mettant en valeur leurs rêves et associations hasardeuses de l’esprit, créant de déroutantes énigmes visuelles et dépassent ainsi la simple réalité qui nous entoure.
Cette exposition, prenant de l’avance sur le centenaire du surréalisme que 2024 certainement fêtera, réunit quelques-uns de ceux-ci.
« Il a seize ans et quatre mois ! Il est beau comme la rétractilité des serres des oiseaux rapaces ; ou encore, comme l’incertitude des mouvements musculaires dans les plaies des parties molles de la région cervicale postérieure ; ou plutôt, comme ce piège à rats perpétuel, toujours retendu par l’animal pris, qui peut prendre seul des rongeurs indéfiniment, et fonctionner même caché sous la paille ; et surtout, comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie ! » Isidore Ducasse, dit Comte de Lautréamont (Montevideo 1846-Paris 1870).
« Les Chants de Maldoror. » 1869, Chant sixième
Samedi 15 octobre 2022 à 18h
Abraham HADAD :: Marie MOREL :: TIDRU :: Remy TROTEREAU :: VANTUSSO
Il faut prendre son temps pour forcer la lecture. Le choix des artistes que nous présentons peut paraître étrange tant l’hétérogénéité de leurs approches artistiques est vaste. Pourtant, à bien y regarder, une cohérence émerge. Cette exposition demande au spectateur un regard aigu et scrutateur, car les œuvres de ces cinq artistes sont en fait tout autre que ce qu’elles paraissent d’entrée de jeu.
Abraham Hadad cache une peinture et des influences très savantes sous un aspect presque naïf et primitif ; son monde doucement inquiétant est en fait celui d’un virtuose et d’un technicien hors pair.
Marie Morel, avec un humour certain, de son côté nous livre de petites saynètes faussement candides qui, avec force, vigueur et humour, imposent dans leurs tourments les plaisirs des corps.
Quant à Tidru, c’est sur la terre cuite de ses corps sculptés qu’il dessine des histoires qu’il nous reste à déchiffrer et mettre en perspective du support qui curieusement les accueille.
Renvoyant à un univers primitif et s’enfermant souvent dans des boîtes comme pour ne pas en déborder, les étranges concrétions de Rémy Trottereau pour leur part utilisent une écriture complexe d’assemblage de matériaux parfaitement hétéroclites.
Enfin, les peintures de Vantusso, dans une liberté technique et d’expression fort hardie, disent à demi-mot et dans de chimériques douceurs labyrinthiques, un monde singulier et troublant.
Dans cette exposition, la profondeur n’est pas donnée d’emblée et il faut donc prendre son temps pour forcer la lecture. Comme chaque artiste de cette exposition propose des chemins différents pour atteindre un mystère, une intimité, voire une plénitude purement humaine, c’est à la perspicacité que vous invite cette exposition plurielle.
Étienne Yver, septembre 2022
Samedi 03 septembre 2022 à 18h
30 Artistes de la galerie
Samedi 02 juillet 2022 à 18h
Lydie Arickx • Anne Tréal-Bresson
Le plus bouleversant de la découverte d’une œuvre est l’instant de la rencontre. Nous nous souvenons, tous, de ces moments où le discours disparaît, la rhétorique est gagnée par le silence. Un être est là devant nous. Dans l’espace, il prend toute la place, ou au contraire nous entraine, note après note, point par point, dans une composition à la musique entêtante. Il nous arrive d’être happé en « un trou » avant de retrouver nos esprits et nos mots, de suivre, pas à pas,
une suite d’associations, d’échos nous conduisant en un réseau de relations infinies.
Le premier scénario fut celui de ma rencontre avec l’œuvre de Lydie Arickx. Celui d’un saisissement pour lequel il y aurait beaucoup à dire sur l’univers qu’ouvrait cette béance. J’étais confronté, alors à la question de la naissance. Naissance humaine, créations au sein de la création, au sein du chant général de la nature. Le titre de sa récente exposition, au Château de Chambord « Arborescences » révèle la manière dont Lydie Arickx pense et construit son
« travail », travail mêlant les règnes sans en privilégier aucun. Ainsi le fœtus est une graine dans la gousse des pois, les linéaments des feuilles, des vascularisations éclairant le cerveau, une rosace d’orages et d’éclairs pulvérisant la terre. Lydie Arickx vit une expérience séculaire et profondément contemporaine, celle que le développement des sciences qualifie d’enchevêtrements du vivant.
Cet enchevêtrement était aussi présent lors de ma première rencontre avec l’œuvre d’Anne Tréal-Bresson. À tel point que, je décidais de traverser la France pour découvrir son atelier où, indépendamment de sculptures et de performances, dominait une œuvre de dessin d’une extraordinaire acuité, source d’une fascination hypnotique. Ici, la figure du corps n’existe pas
par la masse ou par l’incarnation mais par un flux (celui du sang) traversé par l’Eros réversible
du désir. Son mouvement suit l’infime de la matière pour le dilater à la dimension d’un cosmos d’organes masculins ou féminins, dévoration ou floraison, graphe, Anne Tréal Bresson vit un réel où la particule et l’onde sont une seule et même substance. Ce principe, ce réel mobile égalisent le moindre grain de peau à un océan. La vitalité de son œuvre est sœur de celle de Lydie Arickx. Si Lydie est du côté de l’origine et de sa force native, celle d’Anne est une réponse, une résistance, un refus des lieux de mort, du totalitarisme de la souffrance devenue instrument des dictatures domestiques ou sociétales. Lydie Arickx a reconnu dans la force irréductible d’Anne Tréal :
la sienne. Dans cette exposition, entre les pôles de la naissance et de la mort, c’est surtout la vie qui nous éclabousse. Elle les fait entrer sur scène à tour de rôle, au profond du corps, comme
en un pas d’ombres et lumières, entre ce qui vient et ce qui disparaît.
Olivier Kaeppelin, mars 2022
Samedi 07 mai 2022 à 18h
Roland Andrieux . Christelle Lenci
Dans cet « atelier de curiosité » que Point Rouge Gallery recrée, on découvre les œuvres croisées de Roland Andrieux et Christelle Lanci, partenaires d’art et de vie : «Vissi d’arte, vissi d’amore», dit Tosca dans l’opéra de Puccini. Et nous sommes bien là au cœur d’un complexe opéra, d’une camera obscura où une sourde musique questionne la mise au point, l’ouverture et le cadrage. Et encore plus, et surtout, la sensibilité
Mais ces ombres menaçantes, mouvantes et inquiétantes, cette pénombre d’hypogée sont trompeurs : c’est en effet avec bienveillance et une pointe d’humour que Roland Andrieux et Christelle Lanci nous amènent dans un songe au cœur de la terre mère. On comprend là que la vraie splendeur est discrète, et que la lumière furtive, intérieure est plus sûre et plus durable qu’une tapageuse clarté. N’est-ce pas en effet dans le repos de l’ombre qui se nourrit l’éclosion de la fleur ? N’est-ce pas de l’ombre que finalement naît la lumière ?
Aussi, ne soyons pas Peter Pan, désespéré d’avoir égaré son ombre et qui n’a de cesse d’essayer de la recoller : « Clochette, sais-tu où est mon ombre ? » Par leur travail, instalé dans le contexte de leur création, ces deux artistes ont la pertinence de nous le rappeler. Toute démarche vers la vérité ne peut qu’être tâtonnante, et la lumière qui sourd ici nous le prouve.
Le sens prend ainsi ces détours chimériques, pluriels et délicats pour se mieux révéler. C’est Oscar Wilde qui à sa manière inimitable avouait facétieusement ce paradoxe : « Le mensonge, l’art de dire de belles choses inexactes, est le but même de l’art » ; et Picasso, plus directement, d’enfoncer le clou en complétant cette phrase : « L’Art est un mensonge qui nous aide à dire la vérité ».
Étienne Yver
Samedi 12 mars 2022 à 18h
30 artistes de la galerie
Samedi 18 décembre 2021 à 18h
Sur les traces de trois artistes singuliers, « Depuis notre terre » est une exposition voyageuse qui transforme le regardeur en explorateur.
Nous y découvrons d’un côté le duo que forment Ghyslaine et Sylvain Staëlens. Ils travaillent et vivent dans le Cantal. Ce travail interroge : sommes-nous là en présence de la production viscérale d’une société traditionnelle ancienne et ignorée ou de celle, inquiétante, d’un demain possible, étonnant et baroque ? Et ces hauts plateaux abriteraient-ils une étrange et inconnue tribu ? Questions sans réponse, bien entendu, si ce n’est les échos tout personnels que nos sensibilités devront aller puiser profondément dans un préconscient qui toujours se dérobe :« Tout y parlerait à l’âme en secret sa douce langue natale »*. À n’en pas douter, Ghyslaine et Sylvain Staëlens nous invitent à un voyage secret qui pourrait se révéler périlleux.
C’est à une tout autre expédition que de son côté Jérôme Delépine nous convie : dans ces paysages imaginaires et néanmoins si familiers et tranquilles, l’insécurité éclot et menace pourtant. Fort subtile et délicate, elle est toutefois d’un tout autre ordre, celui d’y pénétrer, de voluptueusement s’y perdre et de n’en plus revenir. Nul doute cependant, ce pays brumeux et mystérieusement vague ressemble à Jérôme Delépine : « Les soleils mouillés de ces ciels brouillés pour mon esprit ont les charmes si mystérieux de tes traîtres yeux, brillant à travers leurs larmes »*.
Deux approches nous sont ici proposées pour de nos terres partir, aller au-delà de nous-mêmes et voyager dans les profondeurs de nos êtres profonds : mais n’est-ce point là, pour chacun, un des rôles fondamentaux et indispensables de l’art ?
* L’invitation au voyage, Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal
L’invitation au voyage
(Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal)
Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
– Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Samedi 23 octobre 2021 à 18h
Franta (Frantisek Mertl) naît en Moravie en 1930. Pourtant c’est en France qu’à 28 ans il s’installe. Aujourd’hui encore et plus que jamais il y travaille, hors des modes et des diktats du marché de l’art : Franta est un homme libre et, à l’image de son œuvre, il s’engage.
Franta a aussi beaucoup voyagé. Toutefois, c’est l’Afrique (et particulièrement le peuple Massaï) qui attire son esprit et ses pinceaux. Franta, d’un trait énergique et sans concession, trace animaux et paysages, mais surtout corps puissants de femmes, d’hommes et d’enfants ; devant nous, toute une humanité vivante et vibrante se bat, vit, réfléchit et nous réfléchit dans une célébration païenne de la vie. Franta fête et chante une humanité qui fut notre berceau, mais qui, à n’en pas douter, est aussi notre avenir.
La dextérité de Franta est bouleversante. Son énergie fougueuse et impatiente, son époustouflante maîtrise dans toutes les techniques qu’il aborde — huile, encres, aquarelle, gravure, bronze — sont le fruit de toute une vie de travail
et de batailles aux côtés des plus grands dont il fait partie : Picasso, Chagall, Giacometti, Louise Bourgeois, Rauschenberg et Lichtenstein, ou encore Graham Greene ou Kundera.
Pour ce dernier grand expressionniste, à cheval sur le 20e et 21e siècle, Trˇebícˇ, sa ville natale inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, accueille un Centre d’art entièrement consacré à son œuvre. Ses travaux sont également présents dans les plus grands musées de Paris, de France, d’Europe et des États-Unis ainsi que dans les plus prestigieuses collections privées.
C’est un honneur pour nous de présenter ce très grand artiste, une exposition qui nous engage et au plus haut point nous réjouit.
Samedi 04 septembre 2021 à 18h
Un mur, un artiste
Et voici pour Point Rouge Gallery le moment de l’exposition d’été !
Point Rouge Gallery propose une vaste exposition collective présentant trente artistes français et étrangers. Mais bien plus que cela, et le titre de l’exposition le dit bien, la taille de la galerie et le choix de l’architecture intérieure de la galerie permettent de proposer en fait vingt-trois expositions personnelles qui interagissent et créent de nombreux ponts de compréhension, de vision et de délectation. Le spectateur peut ainsi découvrir vingt-trois univers très particuliers et contrastés, mais desquels, cette année, émane comme un fil rouge optimiste et résolument tourné vers notre avenir : en effet, la réflexion de ces artistes sur des thèmes comme le temps ou la reconstruction, mais aussi la nature, sa préservation et ses significations allégoriques, révèle un caractère positif et humaniste.
La diversité aussi des techniques (peinture, sculpture, gravure, dessin…) laisse paraître un facteur pluriel d’intelligence de notre monde : c’est bien sûr la sensibilité de chaque artiste qui s’exprime là à plein ; mais c’est aussi une adéquation possible à celle de chaque visiteur.
La délicatesse de ces travaux, l’attention au détail, la finesse dans l’exécution des projets, le raffinement des propositions sont un autre caractère qui passe d’un monde artistique à l’autre. Mais, comme Point Rouge Gallery le propose depuis sa création, cette recherche artistique constante, contrastée et multiple qu’elle offre et la subtilité des approches qu’elle affirme sont souvent portées par des artistes femmes. Et c’est le cas une fois encore dans cette exposition d’été à ne pas manquer.
Samedi 26 juin 2021 à 18h
Hugues Absil • Christian Bizeul • Anne Bothuon Richard Laillier • Sereirrof • Etienne Yver
À sa manière, Point Rouge Gallery célèbre les 700 ans
de la mort de Dante en vous proposant les travaux d’Hugues
Absil, Anne Bothuon, Christian Bizeul, Richard Laillier, Serreirof
et Étienne Yver. C’est une très riche traversée autant littéraire
que plastique dans les techniques et univers artistiques si différents de ces artistes que le fil rouge de Dante relie et magnifie
par les échos étranges qui passent des uns aux autres.
Penseur, écrivain, poète et ardent homme politique florentin, Dante Alighieri naît en 1265 et meurt en exil le 14 septembre 1321
à Ravenne. De sa Vita Nova en 1292 au Paradis, troisième volet
de sa Divine Comédie, l’année de sa mort, ce Florentin engagé dans la vie de sa cité a révolutionné la langue italienne et inspiré nombre d’artistes au cours des siècles, de Baccio Baldini
ou Botticelli au XVe siècle à Miquel Barceló aujourd’hui, en passant bien sûr par Gustave Doré ou Delacroix au XIXe siècle.
Et comment ne pas citer le jeu vidéo Dante’s Inferno ?!
Aujourd’hui plus que jamais peut-être, Dante est essentiel
et incontournable, tant aux artistes qu’à nous tous pour décrypter notre monde chaotique et nous redonner un sens d’élévation,
de clairvoyance et d’intelligibilité.
Samedi 26 avril 2021 à 18h
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