Mon travail est une forme d’exploration intérieure qui tente de découvrir ce que protège notre mémoire profonde, nos fêlures, nos lumières, nos trous, nos absences, l’incroyable complexité de nos lianes intérieures.
Se perdre dans une forme d’inconnu, comme se perdre dans une forêt, pour peut-être retrouver l’essentiel qui nous constitue, traces humaines, traces du vivant.
La terre et sa force. La terre et sa fragilité.
Ce que deviennent nos blessures, où vont-elles se réfugier, dans quelle mémoire, dans quelle solitude…
Ce que l’on fait de notre vie.
Ce que la vie nous fait.
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Jérôme Delépine et Pierre Amourette
À dessein ou d’instinct, certains créateurs par leur art tuent dans leurs représentations ordinaires l’Homme et son écosystème, sans haine, souvent et comme par surprise, une surprise libératrice qui est le prix nécessaire pour que l’œuvre puisse advenir et être lieu de pensée. Ces artistes proposent moins un récit que des perspectives et en bons jardiniers qu’ils sont, c’est un champ hypothétique qu’ils cultivent. Ainsi développent-ils des possibilités, déploient-ils des puissances afin de reconquérir la souplesse conceptuelle nécessaire à leur tâche. Ainsi retrouvent-ils une conscience immatérielle par le truchement de la matière qu’ils traitent. Alors, sans identification, sont-ils au plus près de l’être, se sentant reconnaissants pour ces moments rares d’existence et pourtant quotidiens pour eux, comprenant que les choses qu’ils touchent sont toujours plus vastes qu’elles ne paraissent.
Du moins, est-ce le cas du travail des deux artistes de cette exposition, Jérôme Delépine et Pierre Amourette, mais dans deux directions diamétralement opposées. Pour eux deux, le métier est très concret, très “artisan“, un travail humble et délicat, sans façon : ils semblent créer principalement afin de produire les conditions favorables à ce que ce qui les travaille opère, et sans doute à leur insu, comme le ferait un travail de deuil ou le travail du rêve. Comme si un état devait être atteint : là, semble être leur ravissement, leur mystique, leur secret.
Mais comment se concrétise ce secret ? Je le perçois comme un silence : le silence dans le chant, le blanc dans une phrase, le moment où la respiration s’apaise et se suspend, ce riche silence qui n’est ni refus ni vague rêverie. Pierre Amourette, dans ses sculptures, va dans le trop, le encore plus afin peut-être d’éteindre l’incendie, alors que Jérôme Delépine tend lui à l’effacement, au flou, à la dissipation, à l’évanescent. Mais toujours le rythme est là, cet « arrangement caractéristique des parties dans un tout », ainsi que ce mot résonnait aux oreilles des Grecs de l’Antiquité. Et, à ce moment-là, les couleurs, les formes, les matières sont à même de ne plus être que des directions, laissant place à des espaces, des temps nourris qui seront ces silences : laisser place au silence.
Jérôme Delépine et Pierre Amourette nous montrent ainsi deux chemins opposés, deux voies que tout semble opposer et qui, dans cette confrontation, créent un curieux tout : une joie profonde et méditative.
Étienne Yver